Parce que la politique, ce n'est pas que les hommes politiques, les primaires et les sondages, je vous propose ici un article de fond, sur un sujet primordial : l'éducation nationale.
Tout le monde est à peu près d'accord sur le diagnostic. L'école va mal, parce que la société va mal. A l'école primaire, un quart des élèves n'apprend pas correctement à lire. Au collège, les élèves ne pensent qu'à chahuter et à jouer à touche-pipi, au lycée ils ne pensent qu'à se droguer.
Pour ce qui est des études supérieures, les étudiants ont parfois enfin envie d'apprendre quelque chose, mais ils ont de telles lacunes et le système est si mal fait que cela devient extrêmement difficile.
Après cet état des lieux pour le moins caricatural, je souhaite proposer quelques éléments d'analyse.
1-La société française est particulièrement cloisonnée, hiérarchisée et élitiste. Le système scolaire ressemble à un entonnoir fait pour sélectionner les meilleurs, et exclure les autres. La voie royale, c'est lycée général, Bac scientifique, Prépa, Grandes Ecoles. L'outil de sélection par excellence : les mathématiques, survalorisés. Ironie du sort : dans la vraie vie, dans la société, le facteur le plus discriminant, c'est le langage, et on a tellement fait passer les lettres pour une matière accessoire que de nombreux ingénieurs ne savent plus écrire français.
Le drame, c'est que cette sélection commence dès le plus jeune âge ; dès la maternelle, tout est joué, on sait si un élève a des chances de réussir ou s'il sera à la ramasse toute sa vie. L'attention est tout de suite portée sur les bons élèves. Un enfant qui aura un petit retard, ou bien un petit défaut d'attention, s'en trouvera aussitôt démotivé, il décidera que l'école ce n'est pas fait pour lui, et passera le reste de sa scolarité à s'ennuyer.
2- En France, le modèle dominant d'enseignement est le cour magistral. Les professeurs parlent, et les élèves, au choix, prennent des notes, ou roupillent. Depuis Socrate, on sait que ce n'est pas une bonne façon d'apprendre. Le meilleur moyen, tous les bons professeurs le savent (mais ils sont rares), s’appelle l'herméneutique : le professeur pose des questions, les élèves trouvent eux-mêmes les réponses et donc s'en souviennent. Avec ce système de cours magistraux, on se retrouve avec des élèves totalement passifs, inhibés et très mauvais à l'oral. Les professeurs sont incroyablement mal formés, ils n'ont connu dans leur vie que des cours magistraux, qu'ils reproduisent à l'infini.
3- Pour un élève lambda, il est extrêmement difficile de trouver sa voie. Les conseillers d'orientation sont les plus grands imposteurs de toute l'éducation nationale. On envoie les élève médiocres vers le BEP le plus proche géographiquement. Un profil littéraire qui voudra aller à l'université se verra répéter qu'il n'a aucun débouché à part l'enseignement. Certaines filières sont incroyablement sélectives. : quand on voit que l'on manque de médecins et d'infirmières en France et que des milliers d'étudiants sont refoulés au concours, on se dit qu'il y a peut-être un problème, mais cela coûte sans doute moins cher de recruter des médecins marocains et des infirmières espagnoles que de les former nous mêmes. Enfin, certaines formations sont extrêmement chères et ne sont pas accessible à tout le monde : par exemple, les écoles d'art ou de commerce. Le chemin vers la vocation est inextricable, et l'ascenseur social a souvent tendance à tomber en panne dans ce labyrinthe.
Voici mes solutions, ou plutôt mes propositions pour une école de mes rêves :
1- Je rêve d'une école sans note, sans classement, sans barème et sans bon-point. Pourquoi faut-il que nos enfants soient constamment jugés, classés et jaugés. C'est malsain, stressant, et surtout terriblement humiliant pour la grande majorité des élèves qui ne sont pas brillants.
2- Je rêve d'une école sans devoirs le soir. Sans déconner, les gamins passent déjà huit heures par jours à l'école... En plus il faut qu'ils se tapent des exercices à la maison. Les devoirs sont un drame quotidien dans les familles. Les enfants sont soumis à une pression de plus en plus grande, alors qu'ils devraient garder du temps pour jouer, pour rêver pour se dépenser et pour se développer.
3-Je rêve d'une école ou chacun puisse découvrir et développer ces propres talents. A l'école primaire, et au collège, il y a trop de matières théoriques, favorisant les enfants qui ont de bonnes capacités d'abstraction, alors qu'il y a de multiples autres formes d'intelligence. Il faudrait proposer des cours de menuiserie, de jardinage, de cuisine, de mécanique, de couture, que sais-je... Cela permettrait aux enfants de s'orienter naturellement selon leurs intérêts et non selon leurs résultats en maths.
Il faut absolument sortir de ce tronc commun qui n'existe pratiquement qu'en France, et qui broie les élèves en voulant les faire rentrer dans le moule. Il faut leur laisser le choix, qui de faire plus de travaux manuels, qui plus d'informatique, d'activités artistiques, de sciences naturelles ou de langues étrangères. Bien sûr il faut garder un socle commun, et surtout préserver la mixité sociale ; il est extrêmement important que tous les milieux se fréquentent pendant l'enfance et l'adolescence, parce que par la suite, ils n'en auront plus jamais l'occasion.
Au Lycée et à l'université, même combat : il faudrait des programmes à la carte, sortir de ces absurdités de Bac S, L, ou STT, et de licence d'Histoire où l'on ne fasse que de l'Histoire. On devrait pouvoir faire de l'Histoire et de la Comptabilité si on le souhaite.
4- Enfin je rêve que l'on supprime les classes préparatoires... Ces espèces de ghettos de cerveaux typiquement français où l'on fait travailler les jeunes comme des chiens pour leur apprendre des choses qui pour la plupart ne serviront qu'à les classer dans un concours. Après avoir cravaché pendant deux ou trois ans, ils se retrouvent ensuite dans une "grande école" où ils ont tellement besoin de décompresser qu'ils passent tout leur temps libre à prendre des cuites.
Une fois le Bac en poche, tout le monde irait ainsi à l'université, étudierait des matières techniques ou théoriques, en validerait un certain nombre pour obtenir sa licence, et ensuite, postulerait à des Masters plus ou moins sélectifs, parce qu'il faut bien une sélection à un moment. Et dan ces Masters, on ferait ce que l'on ne fait pratiquement jamais dans notre système d'études supérieures : on apprendrait un métier.
Je ne verrais probablement pas cette école de mes rêves. Les parents d'élèves et les professeurs n'en voudront jamais. Il semblerait que nous allions plutôt dans le sens inverse, vers toujours plus de pression, d'uniformisation, de compétition et d'exclusions, parce que la société est comme cela, impitoyable.
Tout le monde est à peu près d'accord sur le diagnostic. L'école va mal, parce que la société va mal. A l'école primaire, un quart des élèves n'apprend pas correctement à lire. Au collège, les élèves ne pensent qu'à chahuter et à jouer à touche-pipi, au lycée ils ne pensent qu'à se droguer.
Pour ce qui est des études supérieures, les étudiants ont parfois enfin envie d'apprendre quelque chose, mais ils ont de telles lacunes et le système est si mal fait que cela devient extrêmement difficile.
Après cet état des lieux pour le moins caricatural, je souhaite proposer quelques éléments d'analyse.
1-La société française est particulièrement cloisonnée, hiérarchisée et élitiste. Le système scolaire ressemble à un entonnoir fait pour sélectionner les meilleurs, et exclure les autres. La voie royale, c'est lycée général, Bac scientifique, Prépa, Grandes Ecoles. L'outil de sélection par excellence : les mathématiques, survalorisés. Ironie du sort : dans la vraie vie, dans la société, le facteur le plus discriminant, c'est le langage, et on a tellement fait passer les lettres pour une matière accessoire que de nombreux ingénieurs ne savent plus écrire français.
Le drame, c'est que cette sélection commence dès le plus jeune âge ; dès la maternelle, tout est joué, on sait si un élève a des chances de réussir ou s'il sera à la ramasse toute sa vie. L'attention est tout de suite portée sur les bons élèves. Un enfant qui aura un petit retard, ou bien un petit défaut d'attention, s'en trouvera aussitôt démotivé, il décidera que l'école ce n'est pas fait pour lui, et passera le reste de sa scolarité à s'ennuyer.
2- En France, le modèle dominant d'enseignement est le cour magistral. Les professeurs parlent, et les élèves, au choix, prennent des notes, ou roupillent. Depuis Socrate, on sait que ce n'est pas une bonne façon d'apprendre. Le meilleur moyen, tous les bons professeurs le savent (mais ils sont rares), s’appelle l'herméneutique : le professeur pose des questions, les élèves trouvent eux-mêmes les réponses et donc s'en souviennent. Avec ce système de cours magistraux, on se retrouve avec des élèves totalement passifs, inhibés et très mauvais à l'oral. Les professeurs sont incroyablement mal formés, ils n'ont connu dans leur vie que des cours magistraux, qu'ils reproduisent à l'infini.
3- Pour un élève lambda, il est extrêmement difficile de trouver sa voie. Les conseillers d'orientation sont les plus grands imposteurs de toute l'éducation nationale. On envoie les élève médiocres vers le BEP le plus proche géographiquement. Un profil littéraire qui voudra aller à l'université se verra répéter qu'il n'a aucun débouché à part l'enseignement. Certaines filières sont incroyablement sélectives. : quand on voit que l'on manque de médecins et d'infirmières en France et que des milliers d'étudiants sont refoulés au concours, on se dit qu'il y a peut-être un problème, mais cela coûte sans doute moins cher de recruter des médecins marocains et des infirmières espagnoles que de les former nous mêmes. Enfin, certaines formations sont extrêmement chères et ne sont pas accessible à tout le monde : par exemple, les écoles d'art ou de commerce. Le chemin vers la vocation est inextricable, et l'ascenseur social a souvent tendance à tomber en panne dans ce labyrinthe.
Voici mes solutions, ou plutôt mes propositions pour une école de mes rêves :
1- Je rêve d'une école sans note, sans classement, sans barème et sans bon-point. Pourquoi faut-il que nos enfants soient constamment jugés, classés et jaugés. C'est malsain, stressant, et surtout terriblement humiliant pour la grande majorité des élèves qui ne sont pas brillants.
2- Je rêve d'une école sans devoirs le soir. Sans déconner, les gamins passent déjà huit heures par jours à l'école... En plus il faut qu'ils se tapent des exercices à la maison. Les devoirs sont un drame quotidien dans les familles. Les enfants sont soumis à une pression de plus en plus grande, alors qu'ils devraient garder du temps pour jouer, pour rêver pour se dépenser et pour se développer.
3-Je rêve d'une école ou chacun puisse découvrir et développer ces propres talents. A l'école primaire, et au collège, il y a trop de matières théoriques, favorisant les enfants qui ont de bonnes capacités d'abstraction, alors qu'il y a de multiples autres formes d'intelligence. Il faudrait proposer des cours de menuiserie, de jardinage, de cuisine, de mécanique, de couture, que sais-je... Cela permettrait aux enfants de s'orienter naturellement selon leurs intérêts et non selon leurs résultats en maths.
Il faut absolument sortir de ce tronc commun qui n'existe pratiquement qu'en France, et qui broie les élèves en voulant les faire rentrer dans le moule. Il faut leur laisser le choix, qui de faire plus de travaux manuels, qui plus d'informatique, d'activités artistiques, de sciences naturelles ou de langues étrangères. Bien sûr il faut garder un socle commun, et surtout préserver la mixité sociale ; il est extrêmement important que tous les milieux se fréquentent pendant l'enfance et l'adolescence, parce que par la suite, ils n'en auront plus jamais l'occasion.
Au Lycée et à l'université, même combat : il faudrait des programmes à la carte, sortir de ces absurdités de Bac S, L, ou STT, et de licence d'Histoire où l'on ne fasse que de l'Histoire. On devrait pouvoir faire de l'Histoire et de la Comptabilité si on le souhaite.
4- Enfin je rêve que l'on supprime les classes préparatoires... Ces espèces de ghettos de cerveaux typiquement français où l'on fait travailler les jeunes comme des chiens pour leur apprendre des choses qui pour la plupart ne serviront qu'à les classer dans un concours. Après avoir cravaché pendant deux ou trois ans, ils se retrouvent ensuite dans une "grande école" où ils ont tellement besoin de décompresser qu'ils passent tout leur temps libre à prendre des cuites.
Une fois le Bac en poche, tout le monde irait ainsi à l'université, étudierait des matières techniques ou théoriques, en validerait un certain nombre pour obtenir sa licence, et ensuite, postulerait à des Masters plus ou moins sélectifs, parce qu'il faut bien une sélection à un moment. Et dan ces Masters, on ferait ce que l'on ne fait pratiquement jamais dans notre système d'études supérieures : on apprendrait un métier.
Je ne verrais probablement pas cette école de mes rêves. Les parents d'élèves et les professeurs n'en voudront jamais. Il semblerait que nous allions plutôt dans le sens inverse, vers toujours plus de pression, d'uniformisation, de compétition et d'exclusions, parce que la société est comme cela, impitoyable.